Nouveaux Contes à Ninon
[French text]
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Title: Nouveaux Contes a Ninon
Author: Emile Zola
Release Date: July, 2005 [EBook #8416] [This file was first posted on
July 8, 2003]
Edition: 10
Language: French
Character set encoding: ISO-8859-1
*** START OF THE PROJECT GUTENBERG EBOOK,
NOUVEAUX CONTES A NINON ***
Carlo Traverso, Charles Franks and the Online Distributed
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NOUVEAUX CONTES A NINON
EMILE ZOLA
TABLE DES MATIÈRES
A NINON
CONTES Un bain Les fraises Le grand Michu Le jeûne Les épaules de
la marquise Mon voisin Jacques Le paradis des chats Lili La légende du
Petit-Manteau bleu de l'amour Le forgeron Le chômage Le petit village
SOUVENIRS
LES QUATRE JOURNÉES DE JEAN GOURDON I.--Printemps
II.--Été III.--Automne IV.--Hiver
A NINON
Il y a juste dix ans, ma chère âme, que je t'ai conté mes premiers contes.
Quels beaux amoureux nous étions alors! J'arrivais de cette terre de
Provence, où j'ai grandi si libre, si confiant, si plein de tous les espoirs
de la vie. J'étais à toi, à toi seule, à ta tendresse, à ton rêve.
Te souviens-tu, Ninon? Le souvenir est aujourd'hui l'unique joie où
mon coeur se repose. Jusqu'à vingt ans, nous avons battu ensemble les
sentiers. J'entends tes petits pieds sur la terre dure; j'aperçois des bouts
de ta jupe blanche au ras des herbes folles; je sens ton haleine parmi de
lointains souffles de sauge, qui m'arrivent comme des bouffées de
jeunesse. Et les heures charmantes se précisent: c'était un matin, sur la
berge, au bord de l'eau réveillée à peine, toute pure, toute rosé des
premières rougeurs du ciel; c'était une après-midi, dans les arbres, dans
un trou de feuilles, avec la campagne écrasée, dormant autour de nous,
sans un frisson; c'était un soir, au milieu d'un pré, lentement noyé sous
le flot bleuâtre du crépuscule, qui coulait des coteaux; c'était une nuit,
marchant le long d'une route interminable, allant tous deux à l'inconnu,
insoucieux des étoiles elles-mêmes, au seul bonheur de laisser la ville,
de nous perdre loin, très-loin, au fond de l'ombre discrète. Te
souviens-tu, Ninon?
Quelle vie heureuse! Nous étions lâchés dans l'amour, dans l'art, dans le
songe. Il n'est pas de buisson qui n'ait caché nos baisers, étouffé nos
causeries. Je t'emmenais, je te promenais, comme la vivante poésie de
mon enfance. A nous deux, nous avions le ciel, la terre, et les arbres, et
les eaux, jusqu'aux roches nues qui fermaient l'horizon. Il me semblait,
à cet âge, qu'en ouvrant les bras, j'allais prendre toute la campagne sur
ma poitrine, pour lui donner un baiser de paix. Je me sentais des forces,
des désirs, des bontés de géant. Nos courses de gamins échappés, nos
amours d'oiseaux libres, m'avaient inspiré un grand mépris du monde,
une tranquille croyance aux seules énergies de la vie. Oui, c'est dans tes
tendresses de toutes les heures, mon amie, que j'ai fait jadis cette
provision de courage, dont mes compagnons, plus tard, se sont si
souvent étonnés. Les illusions de nos coeurs étaient des armures d'acier
fin, qui me protègent encore.
Je te quittai, je quittai cette Provence dont tu étais l'âme, et ce fut toi
que, dès la veille de la lutte, j'invoquais comme une bonne sainte. Tu
eus mon premier livre. Il était tout plein de ton être, tout parfumé du
parfum de tes cheveux. Tu m'avais envoyé au combat, avec un baiser
au front, en amante brave qui veut la victoire du soldat qu'elle aime. Et
moi, je ne me souvenais toujours que de ce baiser, je ne pensais qu'à toi,
je ne pouvais parler que de toi.
Dix ans se sont écoulés. Ah! ma chère âme, que de tempêtes ont grondé,
que d'eau noire, que de débâcles ont passé depuis ce temps sous les
ponts
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